La chambre des comptes de Dijon (page 4/7)
L’institution : compétences, mutations

La clef de voûte de l’administration des finances du duc 

 

Par ordonnance du 11 juillet 1386 le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (1364-1404) promulgue des Instructions qui clarifient et précisent le statut d’une chambre des comptes permanente au sein de sa principauté (2). 

Certes, le souci de tenir et de contrôler la comptabilité des finances du duc de Bourgogne étaient bien antérieur. En témoigne le premier registre comptable conservé des états des recettes et dépenses ducales, le Mémorial de Robert II (1273-1285) (1). Plus largement, les compétences dévolues à la chambre des comptes réglementée en 1386 étaient auparavant exercées par des membres de la cour ou du conseil ducal nommés pour une mission bien précise et composant une manière de chambre des comptes de circonstance. Mais, le duché voyant sa taille augmenter, les ducs durent recourir à une administration plus stable et plus efficace. C’est ce qui, dans le domaine financier, amena Philippe le Hardi, reproduisant le modèle royal, à conforter en 1386 l’organisation de sa propre chambre des comptes en Bourgogne. 

Au delà de la lettre même des indications données par ces Instructions de 1386, on constate, tant à l’examen des mesures ducales ultérieures qu’à la lumière des activités mêmes de l’institution ainsi fixée, le champ du contrôle à elle dévolu est très large, à la mesure de ce que recouvre alors le domaine ducal dont elle assure la « conservation » : revenus et dépenses ordinaires des seigneuries du domaine, « Recettes » des bailliages et, au sommet, une « Recette générale » (3), prélèvements fiscaux (alors dits « extraordinaires »), frappe de la monnaie, conservation des titres et actes les plus importants pour la consistance et les limites du domaine (6-9), aveux et dénombrements rendus au duc à chaque mutation seigneuriale dans le ressort de sa principauté. Il n’est pas jusqu’aux archives du « trésor des chartes » du duc qui ne soient confiées à la garde de la chambre à partir de 1446. Outre ces compétences en quelque sorte administratives, la chambre des comptes de Dijon détient une compétence juridictionnelle étendue : les litiges dont elle a à connaître ne se rapportent en effet pas seulement aux matières domaniales et comptables, mais davantage encore aux finances extraordinaires (aides, gabelle, etc.). 

Quant au nombre des officiers attachés à la chambre, d’abord présidée par le chancelier du duc, de quatre « conseillers »-maîtres qu’il était en 1386 (terminologie qui dit bien l’origine de la compagnie), il s’accroît dans le quart de siècle suivant de quatre clercs-greffiers, bientôt « auditeurs ». Apparaissent ensuite, à un degré inférieur, des maîtres et des clercs en surnombre, dits « extraordinaires », ainsi que des maîtres et des clercs « aux honneurs », c’est-à-dire postulant aux offices ordinaires à vaquer. À ce personnel il convient d’ajouter encore un portier-huissier, dès 1389, et finalement, en 1474, un chapelain. 

C’est donc une institution ramassée (moins de 20 membres au total), mais tentaculaire dans ses activités, qui, à la disparition du Téméraire, contrôle pratiquement sans partage le domaine ducal dans son acception la plus large.

  

 

 1. Mémorial des finances de Robert II, duc de Bourgogne, 1273-1282.

Premier registre comptable conservé dans les archives du duc de Bourgogne (également l’un des plus anciens registres sur papier de ce fonds).

Registre composite, tenu par Raoul de Beaune († avant 1297), chapelain et secrétaire du duc au fait de ses finances, qui y a rassemblé quelque 54 notations ou actes divers, tantôt en latin, tantôt en français, touchant aux finances et au domaine du duc : parties de sa propre comptabilité vis à vis de son maître, arrêts de comptes de divers receveurs ducaux (châtelains, baillis,, prévôts), taxes et impositions urbaines (dont les revenus des foires de Chalon-sur-Saône), droits de sceau, hommages féodaux rendus au duc, baux de fermes et autres documents intéressant le domaine, et même quelques actes judiciaires ou diplomatiques, plus inattendus. 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 312.

Registre papier 158 folios, 14 x 19,5 cm, aux fol. 53v°-54.

  

 

 

2. Instructions et ordonnance de Philippe le Hardi organisant la chambre sur le modèle parisien, Paris, 11 juillet 1386. 

Philippe [le Hardi], duc de Bourgogne, comte de Flandre et d’Artois, comte palatin de Bourgogne, seigneur de Salins, comte de Rethel et seigneur de Malines, ratifie et promulgue les « Instructions » mises au point pour sa chambre des comptes de Dijon par Jean Cretey, conseiller du roi de France, et Oudart de Trigny, clerc de la chambre royale des comptes de Paris, experts à ce députés, en concertation avec le chancelier ducal, en matière d’audition des comptes des receveurs et de conservation du domaine de ses duché et comté de Bourgogne, de ses terres de Champagne et des comté de Nevers et baronnie de Donzy, qu’il administre pour son fils aîné, Jean. — L’ordonnance est placée à la suite du  texte même des instructions.

 Grand sceau ducal de cire rouge (fragmentaire ; contre-sceau entier) sur double queue de parchemin et, originellement, quatre petits sceaux sur lacs de parchemin aux jointures des feuillets (un sceau de chaque côté de chacune des deux jointures ; deux seulement subsistent).

 Archives départementales de la Côte-d'Or, B 1.

Rouleau parchemin (trois feuillets collés bout à bout), 140 x 48 cm. Sceaux (moulages) : Pierre Herbelin.

 

 

Les compétences fondamentales

 

Depuis les réformes mises en place sous le principat de Philippe le Hardi, la raison d’être première de la chambre des comptes de Dijon était de procéder à la vérification de la comptabilité ducale. Cette compétence majeure, partagée par les autres cours similaires du royaume, induisait naturellement un droit de regard sur les comptes des fiefs relevant du prince (le duc jusqu’en 1477, puis le roi de France), une surveillance des deniers manipulés par les officiers ducaux puis royaux et enfin la possibilité de juger au criminel d’éventuels actes de concussion ou de malversation. Par ailleurs, si la juridiction ne participait pas directement à la perception des impôts, elle en contrôlait cependant la répartition et la bonne tenue des registres fiscaux correspondants. Au total, la chambre examinait aussi bien les comptes des communautés locales — villes ou seigneuries — que ceux des recettes supérieures de toute la province de Bourgogne (4-5).

Cette compétence du contrôle comptable domanial et fiscal, pour être devenue de plus en plus formelle tout au long de l’Ancien Régime, n’en demeurait pas moins inévitable. Son exercice nécessitait l’activité de nombreux officiers, des présidents qui approuvaient ou non les arrêts rendus aux simples greffiers chargés de dresser les procès-verbaux des diverses séances de la chambre. Après un long et minutieux examen des comptes qui lui étaient soumis avec leurs pièces à l’appui, la chambre émettait un jugement sous forme d’arrêt, pointant, le cas échéant, les erreurs commises par l’officier comptable. Toutefois, ce travail, fastidieux, n’obéissait pas toujours à une rigueur irréprochable : même au XVIIIe siècle, les officiers de la cour rechignaient à employer un système de comptabilité en partie double, qui leur eût pourtant facilité le travail.

Vérifier la comptabilité ne suffisait pourtant pas, encore fallait-il définir les limites de chaque seigneurie afin d’en déterminer les revenus et les droits. Aussi la chambre était-elle particulièrement attentive à défendre les prérogatives du domaine du prince et tentait-elle de prévenir toute aliénation et tout empiètement.

Autre compétence fondamentale de la chambre durant toute son histoire : le contrôle des formalités féodales. Ainsi toute mutation de fief devait-elle être entérinée par la cour, habilitée à recevoir les « aveu et dénombrement » (état des lieux de la seigneurie concernée) que le vassal devait alors rendre au prince suzerain pour jouir réellement de sa nouvelle seigneurie (10). Et, par voie de conséquence, la chambre entendait aussi connaître des procès intervenant entre particuliers en matière de possession de fiefs, en veillant au respect de la coutume locale transcrite dès le XVe siècle.

 

La compétence comptable  

 

 

3. Compte de la recette générale de Bourgogne, 1427, 1er janvier-31 décembre.

Compte premier rendu par Mathieu Regnault, conseiller du duc, receveur général de Bourgogne, des « recettes et missions [= dépenses] faites pour ung an entier » du 1er janvier au 31 décembre 1427. Présenté à la Chambre des comptes le 16 février 1428 par devant G. Courtot et Jean de Visent, mis en audition le 23 de ce mois et clos le 30 mars suivant. 

Texte en français, annotations marginales des gens des comptes en latin. Première initiale historiée représentant un comptable.

Archives départementales de la Côte-d’Or, B 1635.

Registre parchemin, 126 folios, 35 x 31 cm.

 

4. Compte de la recette du domaine du bailliage de l’Auxois, 1592. 

Compte rendu par Jean Leloup, receveur ordinaire du domaine du roi au bailliage de l’Auxois, châtellenies de Semur et d’Avallon, des recettes et dépenses faites par lui durant l’année courant du 1er janvier au 31 décembre 1592, précisant qu’à « l’occasion des troubles, il n’a pu faire diligence pour le recouvrement du revenu du dit domaine ». Présenté à la Chambre le 5 juillet 1599 par-devant Nicolas Humbert, maître, et Albert Fillon, auditeur, clos au grand bureau le 12 juillet suivant. 

Sur la page de gauche, au chapitre des recettes, Amendes adjugées au siège d’Arnay-le-Duc : mention « néant », en raison de l’impossibilité du recouvrement, « attendu que ladite ville a tousjours esté occuppé par les ennemys rebelles à Sa Majesté ou par autres [et] n’ayant pu treuver sergent qui se soit voullu charger de la commission dudict comptable pour le present faict ». Depuis plusieurs années en effet les partisans de la Ligue en Bourgogne occupaient, entre autres, cette ville. 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 2858.

Registre papier (couverture parchemin), 373 folios, 33 x 21 cm, comptes des années 1590-1596 rassemblés a posteriori. Le compte pour 1592 occupe le quatrième cahier (429 folios).

  

 

5. Compte de la recette générale des domaines et bois de Bourgogne et Bresse, 1723. 

Compte rendu par Louis Dulaurent, conseiller du roi, receveur des domaines et bois dans les provinces de Bourgogne et Bresse, de la recette et dépense faites par lui pendant l’année courant du 1er janvier au 31 décembre 1723. Présenté au grand bureau de la chambre le 22 novembre 1726 (conseillers commis à l’audition du compte : Claude Brondeault, maître, et Pierre Hémery, auditeur), clos le 9 janvier 1727, apuré, sur requête des héritiers du receveur, le 2 janvier 1767, quitus aux héritiers le 22 juin 1767 et dispense pour ceux-ci de la correction et de toute formalité sur le compte le 6 août 1776.

 Archives départementales de la Côte-d'Or, B 2005.

Registre papier (couverture parchemin), 505 folios, 36,56 x 27 cm.

 
 

La connaissance domaniale

  

 

6. La « Belle Borne » dans le bois des Louches (Haute-Marne, comm. Dardenay), 1446

Dessin exécuté dans le cadre d’une enquête diligentée par les gens du duc en 1446-1447 pour déterminer les limites entre France et Bourgogne (voire Empire, le comté de Bourgogne relevant de celui-ci), dans la zone d’enclaves née du traité d’Arras (1435) au-delà de Langres, à l’ouest de la Saône, entre Vingeanne et Châtillon-sur-Saône. La localisation d’éventuelles bornes-frontières anciennes fut l’un des moyens utilisés pour découvrir le tracé des limites en question.

Parmi d’autres bornes évoquées, celle-ci est la seule à avoir fait alors l’objet d’un dessin. Selon les gens du duc, cette pierre, en pleine forêt, entre Cusey (Haute-Marne) et Leffond (Haute-Saône), était une borne placée en 1063 (mlxiii, date déduite des seules lettres qu’ils aient pu déchiffrer) pour marquer la frontière entre France et Empire. En réalité ce monument, toujours en place, est un très classique milliaire gallo-romain, de l’an 120-121 après J.-C., d’une hauteur de 2,50 m et d’un diamètre de 0,58 m, signalant la distance à Langres en milliers de pas (il faut lire un P et non pas un L sur l’inscription).

 Archives départementales de la Côte-d'Or, B 261.

Registre parchemin, 316 folios (37 x 30 cm), dessin peint au fol. 316 (reproduction photographique).

 

7. Délimitation aux confins nord-orientaux du duché, entre Heuilley et Talmay [1460-1474].

C’est en raison de l’implication domaniale du duc de Bourgogne dans le litige illustré par ce plan que la chambre des comptes conservait celui-ci, qui constitue par ailleurs une des plus anciennes reproductions de paysage détenues par les Archives départementales de la Côte-d'Or. 

Dans une région sensible de contacts entre duché, comté de Bourgogne et Champagne, au confluent de la Saône et de la Vingeanne, en amont de Pontailler, le litige portait sur des droits d’usage dans les bois, que le seigneur de Talmay (lieu alors situé hors du duché) déniait aux habitants d’Heuilley, qui, par le comté d’Auxonne, relevaient eux du duc. Un bornage favorable à ces derniers fut finalement confirmé en 1474 et c’est le tracé qui en est figuré ici, par la noue Varaint, l’île Blandin, le pré d’Arc, le pré Gardillet et l’essart Bernard, laissant en effet les bois contestés sur le territoire d’Heuilley.

Non orienté et, en quelque sorte, pivotant, en outre sans échelle, ce plan illustre parfaitement le caractère encore bien rudimentaire de la représentation de l’espace à cette époque.

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 263.

Dessin aquarellé sur parchemin, 61 x 59 cm (reproduction photographique).

 

Les formalités féodales

  

 

8. Terrier de la seigneurie ducale de Chaussin (Jura), 1373 : frontispice enluminé représentant la porte fortifiée du château, aux armes de Philippe le Hardi. 

Premier terrier de cette seigneurie conservé dans le fonds de chambre des comptes   (rédigé par Jehannin Macéot). 

Le seigneur de Chaussin (localité sise en territoire comtois) apparaît vassal du duc de Bourgogne dès 1224. En 1337, le traité de paix garanti par le roi de France entre le duc de Bourgogne, Eudes IV, et le chef de la confédération des barons comtois, Jean II de Chalon-Arlay, stipule que Chaussin appartiendra au duc. Cette propriété est confirmée par le mariage de Marguerite de Flandre, châtelaine exclusive depuis 1365, avec Philippe le Hardi en 1369.

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 993.

Registre parchemin, 142 folios, 29 x 39,5 cm, ici fol. 1bis.

 


 

9. Aide pour l’achat de la seigneurie de Châteauvillain par le duc, 22 août 1448. 

Les gens du conseil du duc de Bourgogne et ceux de ses comptes ayant sollicité des États du duché, réunis à cet effet le 10 juillet 1448, une aide de 12 000 saluts d’or pour l’achat de la seigneurie de Châteauvillain vendue au duc par le seigneur, et n’ayant obtenu d’eux que 5 000 francs, montant accepté par le duc par lettres du 4 août, donnent tout pouvoir aux élus désignés par les États pour procéder à la levée de l’aide ainsi fixée. 

Sceau (plaqué) du conseil ducal et signets (aussi plaqués) des quatre gens des comptes. 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 289 (pièce scellée n° 139).

Parchemin, 34,5 x 45 cm.

  

 

10. Reprise de fief de la seigneurie de Chaussin par le comte de Poly, 26 novembre 1765. 

Requête présentée à la Chambre des comptes par François Gaspard de Poly, pour être admis à rendre au roi les devoirs de foi, hommage et serment de fidélité auxquels il est tenu pour les terres et seigneuries de Chaussin, Tichey et dépendances (bailliage particulier d’Auxonne), acquises par lui le 4 septembre précédent pour le prix de 140 000 livres et de la mouvance du roi à cause du duché de Bourgogne. 

En marge : agrément signé par le procureur général du roi en la chambre, Guillaume Élisabeth Bénigne Bouillet (en charge depuis1727, † 1775), et l’avocat général, Jean-Baptiste Baron (en charge de 1760 à 1788). À la fin de l’acte : consentement du receveur général de domaine. Au verso, mention des épices perçues : 420 livres. 

La seigneurie de Chaussin était passée du domaine des ducs de Bourgogne à celui des Habsbourg, puis, acquise par les Longueville-Orléans, à la famille de Lorraine, pour être achetée par le duc de Bellegarde en 1620, puis par le prince de Condé en 1646, dans la descendance duquel elle demeura jusqu’à sa mise en vente à la barre du Parlement de Paris en 1765, où elle fut alors achetée par François Gaspard de Poly (comte en 1730), seigneur de Saint-Thiébaud-lès-Salins et autres lieux de Franche-Comté, chevalier d’honneur à la Chambre des comptes de Dole en 1732, maréchal de camp en 1761 († 1783). Il obtint en 1766 la quatrième érection de Chaussin en marquisat (les trois précédentes avaient eu lieu en 1573, 1692 et 1724). 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 11 055.

Bi-folio papier, 33 x 21 cm.

 

Heurs et malheurs de la chambre sous l’Ancien Régime

 

Devenue royale en 1477, la chambre des comptes de Dijon se trouva bientôt dans la nécessité de devoir défendre son pré carré face à des institutions plus jeunes mais mieux en phase avec l’évolution institutionnelle du royaume qu’elle venait d’intégrer complètement : le parlement de Dijon, créé dès 1477 par Louis XI, et le bureau des trésoriers des finances de Dijon, organisé entre 1542 et 1577, tous deux logés, pour comble !, aux côtés-mêmes de la chambre, sur le « pourpris » qu’elle occupait depuis le milieu du XVe siècle. Entre les trois institutions, chacune jouissant du statut de cour souveraine, les compétences fiscales et domaniales n’avaient en effet pas toujours été dévolues avec grande clarté par le pouvoir royal, surtout soucieux de créer périodiquement des offices comptables ou financiers rémunérateurs pour le Trésor. 

Exemplaires sont à cet égard les conflits avec le parlement, qui affaiblirent la chambre considérablement et durablement. Dès 1519, sous François Ier, un premier accord fut négocié pour tenter de répartir avec exactitude les compétences des deux juridictions. Mais c’est sous Louis XIII que les conflits prirent une intensité jusqu’alors inconnue, à propos de questions de nature fiscale (16). Il s’agissait en effet de savoir qui, des deux cours, recevrait la compétence de cour des aides, juridiction gérant la perception des impôts indirects. En 1626, par un édit donné à Nantes en juillet, le roi, cédant aux avances pécuniaires de la chambre des comptes, accorda d’abord à celle-ci la juridiction des aides (17). Mais le parlement et la ville de Dijon s’insurgèrent contre cette décision, que Louis XIII finit par annuler en 1630, conférant alors au parlement ce qu’il retirait aux officiers de la chambre (18-19). 

Cet épisode avait atteint une telle violence que, durant tout ce laps de temps, il avait fallu éloigner la chambre de Dijon, pour la préserver de l’hostilité au sein de la ville. Alors vit-on la chambre renouer avec ses pérégrinations de 1590-1595 (11), lorsque sa fidélité pour le roi l’avait expatriée de la capitale bourguignonne tenue par la Ligue, pour aller siéger à Flavigny-sur-Ozerain puis Semur-en-Auxois. De 1627 à 1630, la chambre en fut ainsi réduite à errer de Beaune à Autun en passant par Saulieu, regagnant Dijon en juillet 1630, et pour n’en plus bouger désormais (12-15), même lorsque Dijon fut menacé par les troupes impériales en 1636. 

Mais les rivalités avec le parlement n’étaient pas éteintes : un siècle durant, on les vit se rallumer, adoptant un ton violent sous la minorité de Louis XV, pour ne s’apaiser enfin qu’à la faveur d’un compromis sanctionné par le roi en 1727 (20-21). Dès lors, en dépit d’un ressort augmenté des pays de l’Ain cédés par la Savoie à la France en 1601 (22-24), ou encore du comté de Bar-sur-Seine qui lui fut réservé en 1721, la chambre, privée de la plupart de ses compétences fiscales, conservatrice d’un domaine royal depuis longtemps secondaire sur le plan financier, en est désormais réduite, pour l’essentiel, à ses fonctions comptables. Encore se trouve-elle là en butte aux critiques pour le retard qu’elle accumule lors de la vérification des comptes, et son inutilité est-elle de plus en plus ressentie, même parmi ses membres.

 

Pérégrinations de crise

  

  

            

11. Henri IV mande à la chambre de regagner Dijon, 9 juin 1595. 

Au lendemain de sa victoire de Fontaine-Française sur les troupes espagnoles venues au secours des ligueurs dijonnais, Henri IV, alors au camp devant Dijon, mande à la chambre, transférée depuis 1589 à Flavigny puis à Semur-en-Auxois, de reprendre le cours de ses travaux à Dijon comme avant les troubles, la ville s’étant ralliée à lui. 

Grand sceau de majesté (fragmentaire ; contre-sceau complet) sur simple queue 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 2 (pièce scellée n° 7).

Parchemin ; 23,5 x 44 cm.

  

 

12. La chambre sollicite son transfert hors de Dijon, sans date [1627]. 

Les officiers de la « chambre des comptes, cour des aides et finances de Bourgogne » sollicitent du roi la translation de leur juridiction hors de Dijon, en raison des menaces que le Parlement y fait peser contre elle et ses membres, pour « telle autre ville de la province que Votre Majesté aura agréable ». 

Donnant suite à cette requête, c’est Autun que le roi assigna d’abord comme résidence à la Chambre, à l’automne 1627. Elle y demeura jusqu’en mai 1628, mais, chassée par la peste, elle gagna Beaune et, hormis un intermède à Saulieu (novembre 1628-juin 1629), elle y demeura jusqu’à l’été 1630, pour rentrer enfin à Dijon, où elle tint de nouveau séance le 3 juillet.

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 2.

Bi-folio, papier, 30,5 x 21,5 cm.

 

 

13-14. Lettres du roi (Saint-Germain-en-Laye, 13 juin 1631) et du prince de Condé (Dijon, la Chartreuse, 20 juin 1631) mandant à la chambre de quitter Beaune pour une destination de son choix.

Lettres du roi Louis XIII ordonnant la translation de la chambre hors de Beaune, en raison de la maladie contagieuse qui y règne, en une ville dont le nom a été laissé en blanc. 

Transmission de ces lettres à la chambre par Henri de Bourbon, prince de Condé, tout nouveau gouverneur de la province de Bourgogne, qui laisse la chambre libre de choisir sa ville de repli, excepté Châtillon-sur-Seine. 

On ignore tout de ce nouveau séjour beaunois de la chambre, dont témoignent ces seuls documents. En tout cas, en mai précédent, elle siégeait encore à Dijon et de même à partir de novembre suivant. Désormais, elle ne devait plus quitter Dijon.

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 2.

Lettres du roi : feuillet papier, 36 x 22,5 cm, signé « Louis », contresigné « Phélypeaux ».

Lettre de Condé : feuillet papier 29,5 x 21,5 cm, signé « Henry de Bourbon ».

  

 

 

15. Carte des pérégrinations de la chambre en 1627-1630. 

La chambre séjourna successivement à Autun (octobre/novembre 1627-mai 1628), Beaune (mai-novembre 1628), Saulieu (novembre 1628-juin 1629), de nouveau Beaune (juin 1629-juillet 1630). Le 3 août 1630, elle tenait séance à Dijon. 

Carte conçue par F. Petot, sur des données de S. Rouget.

 

La chambre en conflit

 

 

16. Factum de la chambre revendiquant contre le parlement la compétence en matière de réception des offices des greniers à sel de la province, Dijon [1623-1626]. 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 8.

Fascicule imprimé, papier, 6 pages, 23 x 18 cm.

 

  

17. Édit de Louis XIII attribuant à la chambre des comptes de Dijon la totale juridiction des aides en Bourgogne, Bresse, Bugey, Valromey et Gex, Nantes, juillet 1626. 

L’acte stipule l’interdiction au parlement de Dijon d’en connaître et la création des offices nécessaires à cette nouvelle compétence en la chambre des comptes. 

À la suite, mentions manuscrites de l’enregistrement de l’édit par la « Chambre des comptes, aides et finances de Bourgogne, Bresse, Bugey, Valromey et Gex » le 26 août 1626, et de sa signification au procureur général du Parlement le lendemain.

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 2.

Fascicule papier, imprimé à Nantes par Pierre Doriou, 14 pages, 21,5 x 15 cm.

 

18. Édit de Louis XIII retirant à la chambre la juridiction des aides au profit du parlement, avril 1630. 

Cet édit révoque celui de juillet 1626 pour n’avoir pas fait cesser les différends entre la chambre des comptes et le parlement de Bourgogne au sujet de la juridiction des aides. Il retire donc celle-ci à la chambre et la redonnant au parlement, avec création une nouvelle chambre (des enquêtes) au sein de celui-ci. 

À la suite, mentions de l’enregistrement au parlement de Dijon le 29 avril 1630. 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 2.

Fascicule papier, imprimé à Dijon, chez la veuve Claude Guyot, 18 pages, 17 x 11,5 cm.

 

19. Recueil de différents édits, arrêts et déclarations du roi (1501-1630) établissant le droit du parlement de Dijon à recevoir les appels des jugements rendus par la chambre des comptes en toutes matières non comptables, Dijon, après 1630.

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 8.

Fascicule imprimé, papier, 52 pages, 25,5 x 19 cm.

 


 

20. Échange d’arguments dans un litige juridictionnel avec le parlement Dijon, 1727.

Réponse de la chambre des comptes de Dijon (avec textes à l’appui) à un Avertissement du parlement de Dijon lui-même suivi d’un Recueil de textes officiels concernant la juridiction des chambres des comptes, pour servir à un procès pendant entre les deux cours au Conseil d’État depuis 1701 quant à leurs compétences respectives.

 Archives départementales de la Côte-d'Or  B 10.

Mémoire imprimé à Dijon par Antoine de Fay, papier 252 pages, 32 x 23 cm.

 

21. Lettres patentes de Louis XV portant règlement des compétences entre le parlement, la chambre des comptes et le bureau des finances de Dijon, Fontainebleau, 13 octobre 1727. 

Mention d’enregistrement au Bureau des finances le 4 décembre 1727. 

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 10.

Bi-folio papier, imprimé, 38 x 26 cm.

 

Le ressort bressan

 

 

22. Lettre de Louis XIV annonçant l’envoi de quatre édits, dont celui de mai précédent portant révocation de la cour souveraine de Bresse et sa réunion aux cours souveraines de Dijon, chacune pour ce qui la concerne. Fontainebleau, 3 juin 1661. 

C’est dès leur rattachement au royaume par le traité de Lyon de 1601 que la Bresse, le Bugey, le Valromey et le Pays de Gex avait été inclus dans le ressort des cours souveraines de Bourgogne, dont la chambre des comptes. Mais, en 1659, pour faire pièce au parlement de Dijon, une cour souveraine de Bresse avait été créée : expérience sans lendemain, puisqu’elle fut révoquée deux ans plus tard.

Archives départementales de la Côte-d'Or, B 2.

Feuillet papier, 36 x 24 cm.

Signé « Louis » et plus bas « Phélypeaux ».

 

 

23-24. Deux des rouleaux de comptes de Bresse, Bugey et Gex intégrés aux archives de la chambre au XVIIe siècle : châtellenie d’Ambronay, 1355-1356, et châtellenie de Montluel, 1485.

3169 rouleaux de comptes sur parchemin des châtellenies de Bresse, Bugey ou Gex, échelonnés du XIIIe au XVe siècle, ont été transférés des chambres des comptes de Chambéry et de Turin à celle de Dijon, respectivement en 1692-1693 et 1762, en application du traité de Lyon de 1601 qui avait rattaché à la France ces provinces savoyardes, qui furent alors incluses dans le ressort de la chambre des comptes de Dijon.

 

La longueur de ces rouleaux  varie entre 0,50 m (B 9153, châtellenie de Pont-de-Vaux, 1275) et 101,43 m (B 6902, châtellenie de Bâgé, 1476-1477). À la fin du XVe siècle, la présentation de la comptabilité savoyarde sous forme de rouleaux de parchemin cesse pour faire place à des cahiers sur papier.

Archives départementales de la Côte-d'Or.

Ambronay : B 6704, 2,70 m. — Montluel : B 8640, 35,20 m.

 

 

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